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Madagascar

En 1953, j’ai décidé de devancer l’appel sous les drapeaux pour la durée légale, à l’époque de 18 mois, et j’ai choisi Madagascar, île tropicale de l’Océan Indien, un peu plus grande que la France avec 1.600 km du Nord au Sud. Pour ce choix, il fallait au minimum avoir le CEP- Certificat d’Etudes Primaires- et une spécialité. Pour ma part, j’avais à 19 ans les permis de conduire VL, Poids lourds et Transports en Commun. Ce qui fait que j’ai été très rapidement chauffeur, de la jeep au GMC, ce qui m’a permis, étant basé à Diégo-Suarez, de circuler dans toute la pointe Nord de Madagascar, jusqu’à Ambantja, face à Nosy-Bé, et Vohémar sur la côte Est. A cette époque, Madagascar a une population de 7 habitants au km2 ( 4.125.000 habitants pour 587.000 km2). Avec 5 fois plus de naissances que de décès !

Paysans sans frontière

Mission AFDI à MADAGASCAR

Madagascar retient mon attention depuis longtemps, car j'y ai fait mon service militaire en 1953-1954. Aussi, c'est tout naturellement que j'ai accepté d'accompagner Jean Boucard dans le cadre de l'AFDI, -Association Française de Développement International ou Paysans Sans Frontière (PSF), quand il s'est agi d'aider les malgaches à organiser leur association d'usagers de l'eau pour produire du riz irrigué à partir du canal du Dabara construit par la France, au milieu du xxe siècle, dans la région de Morondava, au sud-ouest de Madagascar.

En 65 ans, la population a quadruplé, avec cependant une densité encore assez faible de 26 habitants au km2 et un bon potentiel agricole, mais les conditions de vie n'ont pas évolué. 80 % de la population vivent de l'agriculture. Même si la pauvreté est générale, ce n'est pas la misère.

Les adultes, les enfants sont bien nourris et respirent la santé. Par contre, les plus de 65 ans sont très rares, alors que l'on voit partout des multitudes de gosses. La scolarisation est généralisée par des écoles dans presque tous les villages.


un mouton

Tout le travail est réalisé à force d'hommes et un peu par les zébus que l'on peut qualifier de 4x4 malgaches. Ils tirent la herse dans la rizière, ils trottent et même galopent lorsqu'ils sont attelés à la carriole transportant toute la famille. Rien à voir avec nos bœufs de labour à la démarche pesante et lente.

Les prix du riz, du lait, des volailles, des œufs sont proches des nôtres, mais le coût de la main d'œuvre est dérisoire, de l'ordre de 1 euro par jour, sans charges sociales et sans assurance pour le salarié.

Un litre de lait rémunère trois heures de travail alors que chez nous il faut plutôt 30 litres de lait pour payer cette heure de travail.

La productivité est très faible. Les paysans que nous avons visités produisent quatre à 5000 kg de riz et doivent en réserver la moitié, voire plus si la famille est nombreuse, pour la consommation familiale.

Les paysans malgaches se trouvent, à peu près, dans la même situation que nos anciens avant 1900.

En 1948, lorsque j'ai pris mon orientation professionnelle, toute manipulation nous passait par les bras, les bœufs ou les chevaux assuraient seulement la traction et les cartes de pain sont restées en vigueur jusqu’en 1950.

La mécanisation est venue progressivement suivie par des gains de productivité très importants. Le développement de l'agriculture a permis le progrès social. Chaque actif libéré de la fonction agricole nourricière fut disponible pour d'autres fonctions de culture, confort, loisirs ou de santé.

Et les jachères sont arrivées avant ma retraite !

Aujourd'hui nos agriculteurs travaillent avec l'informatique embarquée sur le tracteur ou la moissonneuse-batteuse et dans l'industrie les machines-outils fabriquent les robots qui équipent les chaînes de montage automatisées !

En 1947, le plan Marshall, comme au Monopoly, nous a donné des cartes pour jouer avec les Américains et la partie s'est avérée intéressante pour tous les partenaires.

Il faudra bien faire quelque chose de semblable avec ces pays, tel Madagascar, si nous ne voulons pas nous priver- et les priver- plus longtemps du travail qu'ils pourraient fournir et de leur consommation qui ferait marcher le commerce.

Le retard de Madagascar est très important, mais pourrait être rattrapé en brûlant quelques étapes. Il n'y a ni électricité, ni téléphone, ni distribution de courrier dans les villages souvent fort distants les uns des autres. Souvenons-nous des 26 habitants au km2 en 2000. (1)

En effet, les groupes électrogènes privés, le téléphone portable et Internet se développeront sur initiatives personnelles sans attendre les décisions de Tananarive ni l'implantation de lignes électriques ou téléphoniques qui demanderaient des investissements publics et des délais considérables dans un pays sans ressources.

1) En 2018, la population est passée à 26 millions d'habitants soit 44 habitants au m2.

Voyage au TOGO du 25 janvier au 7 février 2002.

Avec mon épouse et huit personnes de l'INRA, nous avons effectué ce voyage axé sur la ruralité et l'agriculture et j'établis ce compte rendu à titre tout à fait personnel.

L'agriculture occupe en 2002, 85 % de la population Togolaise active.

Deux explications pour mieux comprendre cette économie de subsistance :

C'est la pauvreté généralisée, mais ce n'est pas la misère. Les enfants sont bien nourris. J'ai ressenti une très grande dignité et j'ai été impressionné par la franchise des regards.

L'économie du Togo est complètement en panne et je constate, comme à Madagascar, le manque d'argent pour amorcer la pompe des échanges. Ce ne sont pas les producteurs qui manquent, mais les acheteurs.

Les marchés sont pleins de marchandises qui ne trouvent pas toujours preneurs. Si la paysanne n'a pas vendu ses bananes, son igname ou son manioc, elle ne peut pas acheter le tissu ou les comprimés contre le paludisme dont sa famille a besoin.

Les sols de latérites sont pauvres en éléments fins et l'absence de mécanisation encourage l'écobuage pour travailler plus facilement la terre à la main.

Malheureusement, les débris végétaux qui pourraient apporter de la matière organique recyclable au sol partent en fumée.

Le CIDAP de BAGA -centre international de développement agropastoral- qui nous a accueilli travaille la population en profondeur pour lui inculquer les bases pour régénérer les sols et les rendre plus productifs sans apports d'intrants que de toutes façons les paysans n'ont pas les moyens d'acheter.

Le CIDAP est géré par ses créateurs, un couple d'universitaires Togolais qui a fait ses études en France et qui est revenu se mettre au service de son pays pour aider les gens à mieux tirer parti de leurs sols.

Avec des crédits d'aide internationale, ces deux personnes emploient plusieurs centaines de femmes, une journée par semaine et les enfants pendant les vacances, pour leur apprendre à améliorer la fertilité des sols, à diversifier les productions maraichères et à initier la culture attelée avec des bœufs.

La réflexion engagée au CIDAP a amené la création d'une école primaire de 150 élèves dont les enseignants sont bénévoles- ils reçoivent seulement un coup de main des villageois pour cultiver leur lopin de terre afin de pouvoir manger comme eux !

Il a aussi été créé un Centre de Santé pour assurer les accouchements et les soins aux malades et accidentés, mais sans possibilités d'interventions chirurgicales. Une quinzaine de personnes- dont aucune n'est médecin- travaillent dans ce centre au service d'une population de sept à 8.000 habitants.

Les médicaments que nous avons apportés ont permis de multiplier le stock par trois.

Le CIDAP a aussi créé une mutuelle des femmes et lors de l'Assemblée Générale nous avons constaté la dramatique quasi-absence d'argent. Celles qui peuvent épargner l'équivalent de deux euros par an sont rares.

Sans argent, la mère de famille Togolaise- dans son village, avec son champ- peut nourrir sa famille, mais ne peut pas soigner l'enfant malade. Un enfant sur cinq n'atteint pas l'âge de cinq ans.

Bien entendu, il n'y a aucune couverture sociale.

Les efforts portent essentiellement sur la scolarisation des enfants qui sont désireux d'apprendre et qui sont conscients de leur chance, car un tiers d'entre eux, voire plus, n'est pas scolarisé parce que les parents n'ont pas les moyens de payer l'équivalent de deux euros par enfant et par an ou parce qu'ils habitent trop loin de l'école.

Quand on parle d'aide financière aux pays comme le Togo, bien peu d'argent arrive sur place pour irriguer l'économie. Prenons un exemple : des municipalités françaises décident de faire cadeau de leur mobilier de classe réformé aux enfants du tiers monde et prennent en charge l'acheminement en conteneur.

Noble intention, mais aucune retombée économique n'arrive sur le pays ciblé, car le transporteur est européen et l'argent restera en Europe. Pour le même budget, achetons les tables neuves sur place, nous en avons vu de très belles, à moins de 50 euros pièce à Kara et elles donneront du travail au Togo à des artisans qui achèteront les produits locaux. Et les enfants Togolais se construiront sur du neuf et non sur nos reliques.

Les mères de familles ou les politiques Togolais se posent vraisemblablement la même question : "Que vais-je pouvoir vendre à mes voisins pour éduquer mes enfants et les préparer à trouver leur place dans le 21e siècle" ?

Ceci dit, le TOGO n'a pas tous les malheurs du monde : je n'y ai vu, avec mon oeil de paysan, ni chardons, ni orties, ni taupes !

Plus sérieusement, c'est un pays magnifique sous climat équatorial avec des arbres gigantesques au Sud, passant à la savane arborée en remontant vers le Burkina-Faso, ex Haute-Volta, à 600km au Nord.

Le Togo constitue une bande étirée entre le Bénin, ex-Dahomey, à l'Est et le Ghana à l'Ouest. Sa surface est d'environ le dixième de la France et sa population de 4,6 millions d'habitants.

Les saisons sont très marquées. La saison des pluies assure la production de nourriture et la beauté des paysages. La saison sèche de décembre à juin permettra aux "Tour-Operators" de garantir aux touristes le beau-temps pendant cette période, ce qui n'est pas le cas partout.

Nous avons dîné tous les soirs à l'extérieur et nous avons été surpris par l'absence d'insectes pendant notre séjour. Et aussi par l'absence d'oiseaux, à part quelques tourterelles qui se nourrissent de graines.

Les Togolais sont d'une gentillesse extraordinaire et leurs relations avec les Français n'est pas entachée par le passé colonial. Ce sont les Allemands qui ont occupé le Togo à la fin du XIXème siècle et imposé la présence occidentale. L'Allemagne a perdu le Togo en 1917 au profit de la France. Et les Français sont alors apparus beaucoup moins sévères pour la population et ont été mieux tolérés par la suite.

La route principale est en bon état, l'adduction d'eau existe même si elle n'est pas généralisée et limitée à un robinet public, sous surveillance, pour encaisser le paiement à chaque cuvette.

A condition de ne pas faire n'importe quoi, le tourisme peut être une solution pour apporter de l'argent et du travail à une population accueillante qui en a tant besoin.