Site personnel de André MENET

Voyage au TOGO du 25 janvier au 7 février 2002.

Avec mon épouse et huit personnes de l'INRA, nous avons effectué ce voyage axé sur la ruralité et l'agriculture et j'établis ce compte-rendu à titre tout à fait personnel.

L'agriculture occupe en 2002, 85% de la population togolaise active. Deux explications pour mieux comprendre cette économie de subsistance :

1) le travail de la terre est totalement manuel. La culture attelée est inconnue tout comme l'utilisation de la roue : pas de charriot, pas de brouette, tout est porté sur la tête par les femmes. Il y a bien sûr quelques motos, quelques voitures et quelques camions sur les routes, mais ils n'interviennent pas dans la production de la nourriture.

2) les enfants de moins de 15 ans représentent 46 % de la population. C'est la pauvreté généralisée, mais ce n'est pas la misère. Les enfants sont bien nourris. J'ai ressenti une très grande dignité et j'ai été impressionné par la franchise des regards.

L'économie du Togo est complètement en panne et je constate, comme à Madagascar, le manque d'argent pour amorcer la pompe des échanges. Ce ne sont pas les producteurs qui manquent mais les acheteurs. Les marchés sont pleins de marchandises qui ne trouvent pas toujours preneurs. Si la paysanne n'a pas vendu ses bananes, son igname ou son manioc, elle ne peut pas acheter le tissu ou les comprimés contre le paludisme dont sa famille a besoin. Les sols de latérites sont pauvres en éléments fins et l'absence de mécanisation encourage l'écobuage pour travailler plus facilement la terre à la main.

Malheureusement, les débris végétaux qui pourraient apporter de la matière organique recyclable au sol partent en fumée. Le CIDAP de BAGA -centre international de développement agropastoral- qui nous a accueilli travaille la population en profondeur pour lui inculquer les bases pour régénérer les sols et les rendre plus productifs sans apports d'intrants que de toutes façons les paysans n'ont pas les moyens d'acheter.

Le CIDAP est géré par ses créateurs, un couple d'universitaires togolais qui a fait ses études en France, et qui est revenu se mettre au service de son pays pour aider les gens à mieux tirer parti de leurs sols. Avec des crédits d'aide internationale, ces deux personnes emploient plusieurs centaines de femmes, une journée par semaine et les enfants pendant les vacances, pour leur apprendre à améliorer la fertilité des sols, à diversifier les productions maraichères et à initier la culture attelée avec des boeufs.

La reflexion engagée au CIDAP a amené la création d'une école primaire de 150 élèves dont les enseignants sont bénévoles- ils reçoivent seulement un coup de main des villageois pour cultiver leur lopin de terre afin de pouvoir manger comme eux ! Il a aussi été créé un Centre de Santé pour assurer les accouchements et les soins aux malades et accidentés mais sans possibilités d'interventions chirurgicales. Une quinzaine de personnes- dont aucune n'est médecin- travaillent dans ce centre au service d'une population de 7 à 8.000 habitants.

Les médicaments que nous avons apportés ont permis de multiplier le stock par trois. Le CIDAP a aussi créé une mutuelle des femmes et lors de l'Assemblée Générale nous avons constaté la dramatique quasi-absence d'argent. Celles qui peuvent épargner l'équivalent de deux euros par an sont rares. Sans argent, la mère de famille togolaise- dans son village, avec son champ- peut nourrir sa famille, mais ne peut pas soigner l'enfant malade. Un enfant sur cinq n'atteint pas l'âge de cinq ans. Bien entendu, il n'y a aucune couverture sociale.

Les efforts portent essentiellement sur la scolarisation des enfants qui sont désireux d'apprendre et qui sont conscients de leur chance, car un tiers d'entre eux, voire plus, n'est pas scolarisé parce que les parents n'ont pas les moyens de payer l'équivalent de deux euros par enfant et par an ou parce qu'ils habitent trop loin de l'école. Quand on parle d'aide financière aux pays comme le Togo, bien peu d'argent arrive sur place pour irriguer l'économie. Prenons un exemple : des municipalités françaises décident de faire cadeau de leur mobilier de classe réformé aux enfants du tiers monde et prennent en charge l'acheminement en conteneur.

Noble intention, mais aucune retombée économique n’arrive sur le pays ciblé, car le transporteur est européen et l'argent restera en Europe. Pour le même budget, achetons les tables neuves sur place, nous en avons vu de très belles, à moins de 50 euros pièce à Kara, et elles donneront du travail au Togo à des artisans qui achèteront les produits locaux. Et les enfants togolais se construiront sur du neuf et non sur nos reliques. Les mères de familles ou les politiques togolais se posent vraisemblablement la même question : "Que vais-je pouvoir vendre à mes voisins pour éduquer mes enfants et les préparer à trouver leur place dans le 21 ème siècle" ? Ceci dit, le TOGO n'a pas tous les malheurs du monde : je n'y ai vu, avec mon oeil de paysan, ni chardons, ni orties, ni taupes !

Plus sérieusement, c'est un pays magnifique sous climat équatorial avec des arbres gigantesques au Sud, passant à la savane arborée en remontant vers le Burkina-Faso, ex Haute-Volta, à 600km au Nord. Le Togo constitue une bande étirée entre le Bénin, ex-Dahomey, à l'Est, et le Ghana à l'Ouest. Sa surface est d'environ le dixième de la France et sa population de 4,6 millions d'habitants. Les saisons sont très marquées. La saison des pluies assure la production de nourriture et la beauté des paysages. La saison sèche de décembre à juin permettra aux "Tour-Opérators" de garantir aux touristes le beau-temps pendant cette période, ce qui n'est pas le cas partout.

Nous avons dîné tous les soirs à l'extérieur et nous avons été surpris par l'absence d'insectes pendant notre séjour. Et aussi par l'absence d'oiseaux, à part quelques tourterelles qui se nourrissent de graines. Les togolais sont d'une gentillesse extraordinaire et leurs relations avec les français n'est pas entachée par le passé colonial. Ce sont les allemands qui ont occupé le Togo à la fin du XIX ème siècle et imposé la présence occidentale. L'Allemagne a perdu le Togo en 1917 au profit de la France. Et les français sont alors apparus beaucoup moins sévères pour la population et ont été mieux tolérés par la suite.

La route principale est en bon état, l'adduction d'eau existe même si elle n'est pas généralisée et limitée à un robinet public, sous surveillance, pour encaisser le paiement à chaque cuvette.

A condition de ne pas faire n'importe quoi, le tourisme peut être une solution pour apporter de l'argent et du travail à une population accueillante qui en a tant besoin.